« Nous aurons le temps d’avoir un fils plus tard. » Il referma la porte de la chambre. Nul n’aurait su que mon géniteur prendrait la décision d’abandonner ma mère à son sort dix minutes après. Anéantie, Elerania, ma mère, sous l’impulsion de sa famille, se remaria néanmoins avec un autre homme un an plus tard, Reginald Bukater. C’était un sorcier aux habitudes libertines : il était insouciant, joyeux et aux as. Parfaitement le genre de type qui pouvait rendre mère heureuse. Ayez pitié… cette pauvre femme avait été éduquer dans une atmosphère rigide et oppressante : elle n’avait pas le droit de profiter de son indépendance, tant qu’elle n’aurait pas épousé un sorcier de pure souche, si vous voyez de quoi je parle. Reginald était l’homme qu’il lui fallait : elle avait besoin de rire. Elle oublia rapidement mon père, qui se prénommait Jack... tout en m’oubliant également. Je lui rappelais horriblement son premier amour, le mec qui lui avait piétiné le cœur sous prétexte qu’elle ne lui avait pas donné d’héritier mâle. Reginald, lui, m’aimait comme si j’étais sa propre fille. J’ai bonne mémoire, et comment ne pas se souvenir de lui ? Il m’emmenait faire mes courses de Noël chaque année en dépensant des sommes folles pour moi. Il m’adorait. Il répétait sans cesse à mère que je serais quelqu’un, plus tard.
A neuf ans, c’était ce que je désirais déjà. Être forte, à l’image de l’héritier tant désiré par mon père biologique… le garçon qu’il n’avait pas eu. Et déjà rancunière envers ma créatrice, je voulais également la détruire, comme nombreux l’avaient fait. Lui montrer que j’allais être supérieure à elle un jour, ce qui ne s’avérait pas être très difficile vu qu’elle ne représentait rien d’autre qu’une miette dans ce monde où nous vivions. Elle ne possédait juste qu’un compte bancaire bien garni.

Ma petite enfance fut sans soucis majeurs : à onze ans, j’intégrais Poudlard le sourire aux lèvres. Je fus répartie chez les Serpentard… une maison qui convenait parfaitement à mon tempérament déjà excessif. Ma scolarité se déroula sans embûches. Mes résultats scolaires étaient à la hauteur de mes espérances, je me révélais particulièrement douée pour la défense contre les forces du Mal et les sortilèges. J’avais une réputation de sacrée attrapeuse pour le compte de l’équipe de Quidditch de ma noble maison. J’obtins mes BUSE et mes ASPIC avec succès. Tandis que Slughorn désirait me voir devenir joueuse de Quidditch, je ne m’y voyais que bien peu… ce n’était qu’un loisir qui m’avait amusé durant ces sept années d’études.

Nous étions en 1974. Un certain Lord Voldemort faisait la terreur en Angleterre, et même dans quelques autres pays européens importants, notamment la France. Même à Poudlard, on pouvait entendre parler de ses méfaits. Selon certains, c’était en effet des « méfaits », des mauvaises actions injustes. Car ce mage prônait la pureté du sang. Mais déjà plus jeune, j’avais souhaité rejoindre ses rangs : je partageais les mêmes convictions. Les sangs impurs devaient se soumettre à leurs supérieurs. Je l’étais, supérieure. Très, par rapport à ces racailles. J’avais le sang pur, j’étais une blasonnée. Peu après mon entrée au ministère au sein du Département de la coopération magique internationale en tant qu’organisatrice d’évènements, l’espion Rookwood, qui m’avait longuement observé, me permit de devenir une partisane du Seigneur des Ténèbres : je portais donc en mon avant-bras la Marque des Ténèbres.
J’étais enchantée d’être devenue une Mangemort. J’en tuais autant que j’en torturais, des traîtres ou des canailles. Sans regrets. Nous faisions ça pour le plus grand bien… ces imbéciles de pacifistes ne comprenaient pas. Il fallait préserver la véritable sorcière et éradiquer les voleurs de pouvoirs. De cette manière, je rencontrais Clyde Tyndale. Ce « camarade » tomba éperdument amoureux de ma très chère personne, et je m’étais mise à l’aimer… si je puis le décrire ainsi. Reginald, déjà vieux et plus assagi, m’incita à l’épouser. Clyde avait le sang pur, partageait mes idéaux et était plutôt bel homme. Je l’épousais ainsi très jeune, âgée tout juste de vingt ans. Selon les autres, ce fut un mariage réussi et « les deux mariés étaient assortis ».
Quelques petites années plus tard, alors que j’avais combattu avec détermination nos adversaires et que le Seigneur des Ténèbres semblait satisfait de mes services, notre Lord tomba. Tout bêtement et simplement. Battu par un poupon, le fils Potter. C’était estomaquant ! Même ma propre fille qui avait deux ans de plus que cette crasse n’aurait pas été capable d’anéantir mon Maître. C’était impensable. Cependant, ce fut la triste réalité. Le lendemain, nombreux de mes condisciples étaient poursuivis. Clyde avait peur, je m’en souviens très bien, à présent. Une peur effroyable le rongeait : il craignait d’atterrir en prison. Moi qui ne craignais que peu de choses, j’étais sagement restée au manoir familial, attendant mon heure. Mon lâche époux, quand à lui, s’en alla pour les Etats-Unis pour se cacher. J’étais furieuse de ce taux élevé de lâcheté : de cette manière, il n’honorait pas le Seigneur des Ténèbres, et abandonnait nos progénitures : nous avions eu entre temps deux filles, Saeryan et Livia, ainsi qu’un fils cadet, Narcisse. L’idée sordide de le retrouver pour le tuer avait traversé mes pensées durant une fraction de seconde. Mais je ne le fis pas. Parce que je savais qu’il finirait par revenir.
Pendant ce temps, des procès s’enchaînaient au ministère… pourtant, ils prirent un temps considérable pour me capturer. Effectivement, j’avais gravi les échelons du métier avec brio et ma popularité était à son apogée. Néanmoins, cela arriva. Les Aurors vinrent me chercher, et ils m’apprirent qu’un Mangemort m’avait vendu. J’étais folle de rage : une trahison ! Moi qui étais si fidèle à mes semblables et à mon Maître, jamais je n’aurais eu une attitude aussi déloyale.