One : guilty.

« Charly reviens ! Charly ! »

Des cris stridents retentissaient dans les ténèbres d'une nuit trop froide, et je pouvais reconnaître le timbre de cette voix cristalline entre mille : Wynnfrith, ma jeune soeur tant aimée. Je ressentais la peur fourmiller jusqu'à mes doigts, envenimer mon palpitant jusqu'à lui en accélérer la course, ma salive se faisait pâteuse et rare, ma respiration saccadée, et ces tremblements... Spasmes perdus trahissant ma peur soudaine sous des gouttelettes de sueur perlant à mon front d'enfant. Je n'avais que onze ans, et déjà, j'étais confronté à la Mort et à ses sacrifices abjects. C'était elle ou moi. Et si j'y allais, peut-être serait-ce même nous. Pourrais-je sauver sa peau, et comment, où étaient mes parents, que faisaient ces monstres à ma soeur, où étais-je, que pensais-je... Je ne savais plus rien. Des sanglots muets montèrent jusqu'à mes yeux embués de larmes qui ne daignèrent pas couler, tandis qu'affaibli par l'adrénaline montante, je me courbais à terre, abattu par la peur et l'incertitude, laissant les joints de mes mains blanchir à force de les crisper à terre. Je n'avais que onze ans, elle n'en avait que huit. Son crime avait été d'être cracmol. Le mien, d'avoir été un enfant à l'époque. Soudain, je me retrouvais derrière des barils sans vraiment savoir comment ni pourquoi : je ne reconnaissais pas les lieux qui s'apparentaient à des terrains vagues. Déglutissant alors, je me redressais difficilement, m'aidant du peu de force encore présent dans mes bras fins. A l'abri derrière ma cachette de fortune, je posai mes rétines horrifiées sur ces silhouettes, trop nombreuses, faisant face à ma princesse bien aimée. Il leva sa baguette, j'étouffai un sanglot, tentant de hurler d'une voix qui se faisait muette. Soudain, un éclair vert balaya mon champ de vision, bref et violent, claquant l'air avec rage. Le cadavre inerte de ma soeur tomba au sol sous leurs rires gras. Un éclair vint sonner le glas d'une vie écourtée.

En sueur et essoufflé, je me redressai d'un bond vif. Passant une main sur mon front moite, je reprenais peu à peu ma respiration qui s'était faite trop haletante. Un cauchemar, encore et toujours le même, dans lequel ma belle Wynnfrith décédait de la main de rafleurs venant me narguer jusque dans mon sommeil. Mes yeux fauves se posèrent sur la vitre battue par la pluie et le vent, quand au loin des éclairs balayaient le ciel. C'étaient donc eux, qui m'avaient éveillé en un sursaut. D'un réflexe naturel, je vins toiser à mes côtés, m'attendant comme souvent à y voir la silhouette dormante d'une énième conquête d'une nuit. Je soupirai d'agacement à la vue d'une ravissante demoiselle à la chevelure brune, endormie paisiblement : pour cette fois, j'aurais souhaité être seul. Revêtant quelques habits laissés au pied du lit de fortune, je me levais alors avant de prendre la porte. J'avais besoin d'air pur, j'avais besoin de solitude, j'avais besoin d'exorciser mes démons qui me traitaient de lâche. J'avais surtout besoin de partir comme un voleur , abandonnant là la demoiselle. Ce fut donc la gorge serrée et le regard vide, que j'errai dans les rues de ce petit bled anglais, ne prenant pas même compte de la dangerosité de mon acte, à me balader ainsi seul par les temps qui couraient.

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Two : tormenter.

« Pourquoi tu m'as fait passer une nuit pareille si c'est pour te barrer d'office? »
« Pour t'arracher le coeur. Avoue que c'est efficace. »

J'eus dès lors un sourire carnassier, tandis que, sadique, j'attendais avec délice que la belle n'éclate en sanglot. Je lui avais promis la lune et ses ivresses : cette nuit là, je m'étais montré prince et tendre, ne cherchant qu'à lui arracher des gémissements de plaisir, de mes lèvres à la naissance de sa peau, qui s'abreuvaient de ses courbes laiteuses. Je lui avais promis monts et merveilles, je lui avais laissé apercevoir mon coeur, et cette sotte s'était laissée prise au piège. Elle avait pensé qu'elle serait mon unique, mon tout, mon âme. Comme toutes les autres, elle s'était fourvoyée.

J'avais conscience de mes excès légendaires : trop d'alcool et trop de plaisirs charnels. C'était ainsi que j'oubliais mes démons et les endormais d'un opium qui était le mien. En trompant mon monde, je me trompais moi-même. Et j'errais, bourreau infâme et être abject, dans les méandres d'un univers en guerre. Par ailleurs, je me sentais tiraillé entre cet agacement de voir cette bataille entre sorciers s'amplifier et qui me faisait perdre mon temps à la chasse aux demoiselles, et l'envie de prendre mes armes, comme tout le monde. Je me perdais dans ce qui était ma drogue, mon illusion : j'aimais faire souffrir par ces temps où il était primordial de se serrer les coudes. « T'es qu'un sale con, Ryder ! » sanglota la pauvre victime entre deux sanglots étouffés. « Comment t'as pu me dire des mensonges aussi gros ? » « Tu exagères. » rétorquais-je de ma voix suave avant de froncer les sourcils. « Te dire que je t'aime, ça c'est un vilain mensonge. » J'eus un sourire mutin, et s'en suivit alors un flot d'insultes dédiés à ma personne. Quelle étrange réaction de la part d'une jeune fille ayant subi sa première déclaration. Ayant partagé sa première fois, également. Les vierges ne m'amusaient plus, néanmoins : trop sensibles et trop frêles, il suffisait d'un rien pour qu'elles ne s'effondrent. La preuve en était qu'elle quitta la chambre de l'auberge que j'investissais actuellement, non sans claquer la porte comme une furie. Trop émotive, cette petite. Je levais mon regard fauve au plafond avant de boutonner les derniers boutons de ma chemise. Ce n'était pas un bon coup, de toutes façons ; aussi ne perdais-je pas grand chose.

Je n'étais pas devenu salaud émérite par hasard ; la fatalité des choses avait forgé ma personnalité. J'étais devenu à leurs yeux l'allégorie ultime d'un bad boy assoiffé de courbes féminines, mais de vous à moi, je me complaisais dans la lubricité de ma personnalité simplement parce qu'elle ne laissait plus la place à mon mal-être intérieur. Ma dépravation soumettait ma peine à sa domination, et c'était ainsi que je survivais. En matant les autres, en traitant les demoiselles tel des objets de plaisir, je me donnais l'illusion de contrôler un semblant de ma vie. Des mensonges. Par ailleurs mes premières années à Poudlard vinrent marquer au fer rouge ma réputation sulfureuse : à onze ans, j'avais déjà perdu une part de mon coeur, Wynnfrith. Ainsi je me faisais combattif et arrogant, malgré mon caractère posé. J'avais grandi trop vite, je portais en moi la maturité qu'aucun de mes camarades n'avaient encore. Oui moi, l'incarnation de la perversité vraie, portait les affres d'une enfance amputée. J'enrageais de l'intérieur, et ma rage ardente se muait en un machiavélisme se faisant calculateur. Mes années à Poudlard se passèrent ainsi : peu de bonnes notes, malgré un potentiel convaincant, un tableau de chasse bien rempli, de nombreuses heures de colle, des rumeurs douteuses parfois. A les entendre, j'avais bien mis enceinte quatre demoiselles, en avait abusé sept, avait forcé une autre au coma éthylique, en avait poussé deux au suicide... Et quel en est le vrai du faux ? Si je vous confiais la vérité, j'en perdrais tout les ténèbres de mon aura écoeurante, n'est-ce pas ?

Aujourd'hui, ma vie de dépravé lubrique n'avait pas tant changé. Déambulant de villes en villages, avec de temps à autres d'autres élèves en cavale, je tentais toujours de rafler sur mon passage quelques trophées locaux. Les demoiselles souvent rencontrées sur le camp Freedom étaient toutes tant frigides et puritaines, que je ne pouvais y calmer mon appétit. Seule Pandora méritait mon attention ; les autres prêchaient par leur candeur mièvre. Mais d'une vie de dépravé lubrique, et d'une survie d'entre ces deux guerres, un fossé existait.

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Three : victim.

Je suis neutre. Malgré mon éducation prônant la valeur de la pureté du sang, je n'ai jamais véritablement accordé de l'importance à ces stupidités exaspérantes : sans doute parce que ma jeune soeur, cracmol, venait réfuter toutes les théories qu'ont les grandes familles sang pur. Je soupçonnais également mes parents de ne plus y croire, et d'aimer leur fille bien plus encore que l'éthique de ces bourgeois sorciers. Je n'ai donc pas les mêmes idéaux que les mangemorts, je ne me bats pas non plus contre leurs principes, ceci dit. Je n'aime guère Harry Potter non plus ; c'est viscéral. Conséquence de ces combats entre Maisons sans doute, bien qu'en les temps qui courent, ces rivalités millénaires n'ont plus d'importance. Je dois bien avouer qu'il a du cran, Potter, à défier Vous-Savez-Qui quand d'autres tremblent devant lui. Mais je ne suis pas comme ces autres qui se tiennent en haleine face à la bataille du siècle. Je ne vois que ma vengeance, sublimée, vivante, rageuse. J'aurais ce rafleur et vengerai en retour la mémoire de ma jeune soeur. Pour elle, et pour moi aussi. Un peu. Ne plus vivre dans le sentiment de honte et de lâcheté, quand bien même mon jeune âge pourrait pardonner ma fuite, je ne pouvais plus survivre sans me sentir souillé. C'était aussi pour cela, que je souillais les demoiselles : j'avais ce besoin de reporter mon mal-être sur les autres ainsi. J'étais donc devenu élève en cavale, condamné à errer et me battre au quotidien pour vivre et survivre : ce changement d'univers me fit un choc. Non pour la montée d'adrénaline, non pour le danger ambiant, mais bien parce qu'en ces temps qui couraient, le flirt et la débauche n'avaient-plus, disaient-on, leur place. Foutaises, je continuais de vivre selon mon point de vue : sexe, alcool et danger. La vitesse, c'était la vie, et je la frôlais tous les jours. C'en était devenu grisant... Il m'arrivait pourtant, dans mes moments sérieux et pensifs, de poser la question à la si belle Alice. Pourquoi, au fond de nous, aimions-nous nous sentir héros par nos conditions de fugueurs ?

« Parce que c'est excitant. » rétorquait la belle en haussant les épaules.
« Il y a autre chose qui m'excite. »

Ma voix suave et sensuelle s'élevait dans un murmure ardent, tandis que d'une vicissitude scabreuse, je remontais mes rétines fauves le long des courbes de la divine brunette. Ah, si vous saviez seulement ce qui m'était passé par la tête, rien qu'à la vue de sa courte jupe... La belle leva les yeux au ciel avant de tourner les talons, non sans que je n'entrevois un bref sourire flatté sur ses lèvres rosées. Je la dévorais alors du regard, quand n'en pouvant plus de battre aussi fort, mon palpitant loupa un battement. Puis un, puis deux.... J'étais amoureux. Je crois. Je l'ignore en fait, et préfère ne pas me fier à ces papillons s'agitant dans mon estomac ; secouant la tête de dégoût, je vins alors rejoindre le camp des fugueurs. J'étais tombé en victime de deux tourments ardents : la soif de vengeance qui me rendait parfois trop virulent et carnassier, et d'elle. Alice, ou la demoiselle hantant mes pensées. A choisir, je préfère crever sur le champ de bataille que de lui avouer la course effrénée de mon myocarde, à sa simple vue. Que le combat commence.

Je suis Charles Davon Ryder, et je compte bien aller jusqu'au bout de mes ambitions. La fin justifie mes moyens. Fermez vos gueules, et soyez ma victime.