The memories are our most precious treasures.Moïra contempla les épaules de son mari qui lui tournait le dos. Adossée à la chambranle de la porte, elle hésitait à pénétrer dans la pièce et manifester sa présence à son époux. Ces derniers temps, elle l'évitait autant qu'il lui était possible de le faire. Ce qui n'était pas une tâche bien compliquée, dans la mesure où il travaillait énormément et qu'il s'absentait un week-end par mois, en voyage d'affaire, comme il l'affirmait. Moïra elle, pensait plus qu'il avait une maîtresse, et que son travail n'était rien d'autre qu'un prétexte absurde, destiné à lui dissimuler une vérité qui la bouleverserait sans doute. Mais qu'en serait-il, s'il apprenait qu'elle avait un amant, elle aussi ? Sans doute qu'il ne resterait pas bien gentiment assis sur sa chaise. Moïra n'était pas idiote, son mari était une personne impulsive, qui s'emportait très facilement. Jamais il ne devait découvrir qu'un autre homme partageait son lit. Comment expliquerait-elle le léger lobe de son ventre, qui commençait à transparaître ? C'était la principale inquiétude de la jeune Ainsworth, qui commençait à sentir l'anxiété se glisser dans la moindre parcelle de son corps. Finalement, elle s'éloigna, laissant son mari à ses papiers et quitta la maison, en silence. Le bruit de ses talons résonnèrent sur le dallage de la ruelle dans laquelle la jeune femme s'enfonçait. Décidée à quitter les lieux pour rejoindre Lucian, elle perdit bientôt de sa décontraction et accéléra le pas. Heureusement, son amant n'habitait qu'à quelques pavés de maisons - elle ne savait pas si cela avait quelque chose de réjouissant en fin de comptes - et bientôt, elle toquait sèchement contre le panneau de la porte de celui-ci. Moïra patienta quelques secondes avant que celle-ci ne s'ouvre devant elle, et n'attendant pas une quelconque invitation à pénétrer dans la demeure, elle franchit le seuil et referma la porte derrière elle avant de poser ses beaux yeux de biche sur l'homme qui lui faisait face, apparemment légèrement ensommeillé.
« Je suis enceinte. »Cette révélation avait dépassé ses lèvres sans que Moïra y réfléchisse au préalable. C'était un secret trop lourd pour elle - ou alors trop gros - et elle était bien incapable de le lui dissimuler, à lui aussi. Dans la pénombre du hall d'entrée, elle vit les yeux de Lucian s'écarquiller et sa bouche s'entrouvrir de stupéfaction, comme si elle venait de lui sortir un poisson d'avril - chose qui n'était pas réellement son genre. Un silence s'installa, alors qu'elle reprenait une contenance en le dévisageant avec une angoisse tangible. Mais il ne répondit pas.
« Qu'allons-nous faire ? Si Elijah l'apprends, il va me tuer ... aide-moi ! »Les paroles qu'elle prononça semblèrent réveiller Lucian qui fronça légèrement les sourcils en lâchant ;
« C'est notre enfant, nous allons le garder. » répondit-il, comme si c'était la chose la plus évidente du monde et qu'elle aurait dû y penser sur-le-champ.
« Tu ne sembles pas comprendre qui est mon mari ... il ne va pas supporter cela. » dit-elle.
« Tu as peur de ton mari, Moïra ? »« À peine ! Mais que crois-tu donc ? » explosa-t-elle devant autant de niaiserie. N'était-ce point évident ?
« L'aimes-tu toujours ? » demanda-t-il ensuite, plongeant son regard océanique dans celui-ci chocolat de la jeune femme affolée.
« Je ... » Crispant légèrement son beau visage, l'irlandaise baissa un instant les yeux, souhaitant échapper au pouvoir magnétique des prunelles de son amant, avant de répondre concrètement à sa question ;
« Non ... Il n'est plus l'homme que j'ai épousé ... »« Nous partirons après la nouvelle année. »Ces mots scellèrent leur projet et Moïra se laissa aller à son étreinte .....
31 Décembre, veille de la nouvelle année. Moïra se préparait tranquillement dans sa chambre, forçant sur les lacets de son corset pour aplatir du mieux qu'elle le pouvait son ventre arrondis par la grossesse. Cela aurait pu être pire, elle n'avait pas énormément pris de ventre et elle arrivait à dissimuler son embonpoint avec plus de facilité qu'elle ne l'aurait cru. Cela faisait huit mois, que sa conversation avec Lucian avait eu lieu. Huit mois d'angoisse à l'idée qu'Elijah apprenne la vérité sur l'enfant qu'elle portait et surtout, sur l'identité du père qui n'était autre que son meilleur ami. Il avait été là lorsque Elijah était absent, là pour la réconforter, là pour la faire sourire. Elle en était tombée amoureuse et s'en était aperçue que très récemment. Et bientôt, ils allaient partir pour l'Angleterre et former une nouvelle vie, avec la naissance de leur fille à venir. Moïra se leva et passa une robe qui lui allait à ravir - moins moulante qu'à l'accoutumée c'est vrai, mais elle ne laissait rien transparaître. Lorsqu'elle descendit les marches de l'escalier, Moïra sourit à la jeune domestique - la seule qui connaissait son secret et en qui elle avait suffisamment confiance pour le lui avoir révélé - et rejoignit son mari dans le salon, alors qu'ils allaient se rendre à la soirée des Petrova. Le plan était qu'ils s'y rendent ensemble et au court de la soirée, elle lui fausserait compagnie pour rejoindre Lucian. Vers vingt-heures. Et cela se serait bien déroulé, si les deux complices n'avaient pas omis un léger détail ... Moïra souriait. La soirée se déroulait bien, mais ce qui la réjouissait, c'était l'idée de bientôt pouvoir partir vers une nouvelle vie. Elle sourit à son mari qui la trouva rayonnante. Bientôt Moïra s'éloigna, alors qu'Elijah discutait avec animation avec ses amis et enfin, elle quittait la maison pour transplaner avec sa dame de compagnie, jusqu'au foyer de Lucian. À peine ses pieds touchèrent le sol du salon, que Moïra ressentie une vive douleur au niveau de son ventre. Si vive, qu'elle s'écroula au sol en plaquant ses mains contre celui-ci. Lucian, alerté par les cris, débarqua rapidement et lança avec affolement ;
« Que ce passe-t-il ? Que lui est-il arrivé ?! »Le jeune homme s'agenouilla près de la jeune femme, qui sentait ses contractions prendre forme et un liquide s'échapper d'entre ses cuisses. Non, ce n'était pas le moment pour cela ... ce n'était pas ici que son enfant devait naître, pas sur le parquet du salon, pas en Irlande. C'était en Angleterre ...
« Elle a perdu les eaux » décréta Samira, la dame de compagnie de la jeune Ainsworth.
« Faîtes quelque chose, par Merlin ! » hurla Lucian.
Lui jetant un regard impassible, Samira lui demanda de porter Moïra jusqu'à un lit, et bientôt celle-ci s'occupait de sa maîtresse du mieux qu'elle le pouvait. Entre temps, elle se doutait qu'elle n'aurait pas dû prévenir son maître des plans que concoctait sa femme ... si elle avait su que sa maîtresse donnerait naissance ce soir-là ... la culpabilité affligeait les épaules de la servante qui avançait l'accouchement du mieux qu'elle le pouvait. Bientôt, les cris de la nouvelle née envahirent la pièce alors que la porte d'entrée s'ouvrait brusquement sur un homme de haute stature.
« MOÏRA ! JE SAIS QUE TU ES LÀ ! » hurla la voix de son mari.
Épuisée par son effort, la jeune femme respirait difficilement et lorsqu'elle se redressa, elle se sentait si faible qu'elle faillit retomber sur ses oreillers. Elle posa un regard tendre sur sa fille, et avec anxiété - sachant très bien comment réagirait son mari à la vue de sa fille, elle supplia ;
« Samira, s'ilvouplait ... allez vous-en avec Mesmerize. Vite ! Ne la lui laissez pas ... s'ilvouplait.... »Samira ne su pas si c'était le ton suppliant de la mère, où les pleurs de l'enfant qui la décida à faire ce qu'on lui demandait avec autant d'insistance. Mais elle le fit. Alors qu'un hurlement de loup envahissait la pièce jouxtant celle dans laquelle les deux jeunes femmes se trouvaient, elle transplana, l'enfant bien enveloppé entre ses bras. Lorsqu'Elijah arriva dans la chambre, il ne restait rien d'autre que Moïra, qui avait tenté maladroitement de dissimuler le sang qui l'entourait. Mais l'odeur était bien trop présente et il n'eut aucun mal à deviner ce qu'il venait de se passer.
« Où est l'enfant ? Où est-il ?! » dit-il, enserrant la gorge de sa femme avec férocité. Moïra ne le reconnaissait plus, mais il avait la réaction qu'elle avait prémédité.
« Si tu crois que je vais te le dire ... plutôt mourir tous de suite ! » dit-elle avec une effronterie qui lui était caractéristique.
« Si tel est ton souhait ... »Moïra cru voir les dents de son mari briller dans le noir et bientôt elle manqua d'air. Elle haleta, ses mains agrippant celles d'Elijah qui appuyaient sur sa gorge, l'empêchant irrévocablement de respirer... puis bientôt, ses yeux s'éteignirent et ses bras retombèrent le long de sa hanche. Si seulement elle avait su ... non son mari n'avait pas de maîtresse. Il était juste un lycan. Et un homme qui ne laissait pas les choses lui échapper comme cela. Il trouverait l'enfant. Et il le tuerait.
Mesmerize, du haut de ses huit ans, regarda avec attention sa mère s'activer derrière les fourneaux. Comme d'habitude, elle attendait que celle-ci eusse finit son service au restaurant pour ensuite pouvoir rentrer à la maison. Assise entre les paquets de pommes de terre et d'autres ingrédients divers, la fillette sentait ses paupières s'alourdirent au fur et à mesure que le temps s'écoulait. Il était tard et rester concentrée sur ce qui l'entourait commençait à lui être compliqué. Comme chaque jour, elle avait beaucoup travaillé ce jour-là ; entre les cours de l'école primaire et les tâches ménagères, les devoirs que les professeurs lui imposaient et le reste, elle n'avait plus énormément de temps pour se reposer ; et ce n'était pas une chose dont elle se plaignait dans la mesure où elle avait toujours connu cette situation. Bientôt, elle s'endormait contre le mur, les membres repliés sur eux-même et elle s'abandonna à ses songes. Ce fut les mains rudes de sa mère qui la réveilla et entrouvrant légèrement les yeux, elle sourit et s'accrocha au cou de cette femme, qui se releva en la portant dans ses bras. Ce qui n'était pas difficile, puisque Mesmerize avait ce que l'on appelait, un poids plume.
« On rentre à la maison, mama ? » demanda la petite fille, en nichant son visage dans le cou de de sa mère.
« Oui, ma chérie » répondit la concernée, en déposant un baiser sur le front de sa " progéniture ".
Elles quittèrent le restaurant par l'arrière du bâtiment, et Samira s'engagea dans une ruelle sombre, peu éclairée ; cela étant dû au fait que ce n'était pas une rue bien fréquentée. Elle accéléra le pas, ne s'attardant pas ; habitude qu'elle possédait depuis huit années. Peut-être était-ce une légère paranoïa ? Mais selon elle, être prudente n'était pas un défaut. D'un air rêveur, Mesmerize contempla la lune pleine, les yeux rempli d'étoiles. Elle avait hâte de s'endormir. Mais elle savait que dans les bras de sa mère qui bougeait tous le temps, elle n'y parviendrait pas. Bientôt, des ombres se mouvèrent sur les murs de la ruelle, et Samira sentie son estomac se contracter. Un hurlement de loup, léger, mais très semblable à celui qu'elle avait entendu dix ans plus tôt lui parvint aux oreilles, lui glaçant le sang. C'est à ce moment qu'elle se précipita en avant, déclenchant l'impatience de son poursuivant ; Elijah. Mesmerize ne comprenait pas ce qu'il se passait, ce qu'elle savait c'est que sa mère avait peur. Très peur même. Et cela l'affolait car elle savait que sa mère n'avait jamais peur pour rien, pas comme elle qui avait peur du noir, dans sa chambre. Une forme sombre se jeta sur le dos de Samira qui lâcha brusquement l'enfant qu'elle avait sauvé huit ans plus tôt et cria, alors que des griffes s'enfonçaient dans ses épaules :
« Cours Mesmerize ! Cours ! »« Mama ! » s'écria Mesmerize, dans les larmes commencèrent à monter aux yeux.
La bête qui avait sauté sur le dos de sa mère releva soudainement la tête vers elle, et Mesmerize sentie tout son être se pétrifier. Elle vit parfaitement dans l'obscurité, les deux yeux jaunes de la bête la fixer et bientôt son instinct la rattrapa ... Faisant volte-face, Mesmerize prit ses jambes à son cou, les perles salées s'échappant de ses yeux et inondant ses joues. D'où elle se trouvait, elle entendit un gargouillement sinistre et jetant un coup d'œil par-dessus son épaule, elle vit ce qu'il restait de sa mère ... et une douleur sourde l'inonda. Elle continuait de courir lorsque la bête se lança à ses trousses, chaque foulée les rapprochant inexorablement. Mesmerize, que la peur rendait maladroite, trébucha sur le dallage du sol et s'y écorcha les mains. Lorsqu'elle cru son heure venue, elle hurla à plein poumons. Si fort qu'elle ne douta pas que quelqu'un l'eusse entendu à trois kilomètres de là. Elle vit la bête bondir et ferma les yeux, comme pour ne pas voir la mort arriver ... Un gémissement soudain lui fit ouvrir les yeux, et Mesmerize découvrit le cadavre d'un homme, allongé sur le sol et complètement nu. Tremblante, elle recula et son dos finit par rencontrer les jambes d'un homme qui venait de ranger une baguette. Elle leva les yeux vers lui, effrayée. Puis contre toute attente, cela fut trop pour elle. Quelque chose dans le regard de cette homme, était rassurant. Et c'est sûrement pour cela que son esprit se relâcha, et qu'elle s'évanouit à ses pieds.
To love is destroy and to be love is going to our destruction. Don't forget that, my girl.
Mesmerize s'installa sur sa chaise, devant son assiette que Neldwyn, l'elfe de maison de la famille Watson lui avait servi. Elle resta impassible, s'accommodant du lourd silence qui pesait sur la pièce. Elle n'allait pas se risquer à prendre la parole tout de même. Son regard glissa sur ses deux soeurs adoptives, Marilyn et Ella. Deux jumelles un peu plus âgées qu'elle, mais aussi peste et pourrie l'une que l'autre. Si Mesmerize savait une chose à propos de ce qu'elle éprouvait pour elles, c'était bien qu'elle ne les aimait pas. Et que la réciproque était vraie. Elles étaient nées avec une cuiller en argent - pour ne pas dire en or - dans la bouche et il leurs arrivaient encore de se plaindre. De plus, elles étaient stupides, c'était une chose qui c'était vérifié quelques mois après son arrivée au Manoir, il y a de cela trois ans. Cela faisait bien trois années qu'elle avait quitté l'Irlande, mille quatre-vingt journées, qu'elle étudiait ici pour se perfectionner avant d'entrer à Poudlard. Car il était indéniable qu'elle avait eu beaucoup de retard. En effet, sa mère ne lui avait pas révélé l'existence de la magie et le pourquoi du comment reste encore aujourd'hui, une énigme. Heureusement, cet été, elle avait reçu sa lettre qui l'invitait à se rendre à la gare de King Cross en septembre. C'était pour elle un soulagement que de quitter cet endroit. Son regard glissa ensuite vers sa mère adoptive, qu'elle appelait simplement Ortensia. Leur relation n'était jamais allé bien loin et Mesmerize n'avait jamais cherché à s'attirer les faveurs de cette femme. Il était clair qu'elles ne partageaient aucune affinité l'une envers l'autre et Mrs Watson se plaisait à rabaisser psychologiquement la fille que son mari avait adopté. Cela était pour elle, un malin plaisir qui forgea une carapace chez la fillette. Seulement la répartie n'était pas réellement permise. Voir pas du tout. Et ça, elle savait que Kenneth y marquait un point d'honneur. C'était lui qui, des années plus tôt, avait tué son agresseur dans les rues de Limerick. Lui qui l'avait éduqué et qui faisait qu'aujourd'hui, elle n'avait plus rien avoir avec la petite fille éplorée qu'elle était autrefois. Ou peut-être qu'elle l'était encore, mais elle ne s'autorisait pas à le montrer. Les sentiments sont des faiblesses, qui si dévoilés, deviennent des armes pour autrui, qui se retourneront avec une facilité déconcertante contre le faible, lui avait un jour dit Kenneth. Et elle se souviendrait toujours de sa démonstration ...
Mesmerize avait neuf ans. Cela faisait quelques mois qu'elle habitait chez les Watson et elle s'y sentait mal. Assise dans le jardin, à l'opposée de Marilyn et Ella, la jeune fille restait assise dans l'herbe sans rien faire. Aucun sourire n'était plaqué sur son visage et son ennui était parfaitement visible. Kenneth rentrait d'un voyage d'affaire dû à son travail. Sans se préoccuper de ses filles qui accouraient vers lui, il s'approcha de Mesmerize et s'accroupit près d'elle, le visage soucieux.
« Comment vas-tu, Mesmerize ? » demanda-t-il d'un ton aussi doux qu'un carré de velours.
« Bien ... mais, elles veulent pas jouer avec moi. » répondit la fillette en regardant les deux jumelles s'amuser dans leur coin.
« Viens, je vais te montrer quelque chose ... » dit-il en souriant légèrement.
Mesmerize leva les yeux vers lui et hésitant légèrement, elle se saisit de la main qu'il lui tendait avant de le suivre vers l'arrière du jardin. Curieuse, elle observa avec attention la petite caisse de bois qui l'attendait au pied d'un arbre et lorsqu'elle fut près de celle-ci, elle regarda Kenneth avant de demander ;
« Qu'est-ce qu'il y a dans cette boîte ? »« Un cadeau ... » répondit-il en ouvrant avec précaution le couvercle.
Mesmerize se pencha au-dessus de son épaule et découvrit un animal roulé en boule. Cela ressemblait fortement à un petit félin, aux oreilles en pointe et à la fourrure tigrée. Fronçant les sourcils, elle lâcha à voix haute ;
« Vous m'offrez un chat ? » dit-elle, avec une pointe d'étonnement.
« Pas un chat ... un lynx. » la corrigea-t-il.
Le félin en question ouvrit un œil et à peine eut-il aperçu les deux intrus, qu'il se recroquevillait dans sa boîte en crachant son animosité. Mesmerize recula d'un pas, avant de dire ;
« Je crois qu'il ne nous aime pas beaucoup ... »« Rends-moi service, Mesmerize .. » dit-il, après l'avoir longuement dévisagée.
« Apprivoise-moi ce lynx. Fait en sorte qu'il t'obéisse. Puis, lorsque cela sera chose accomplie. Appelle-moi. »Avant que Mesmerize aie pu hocher la tête, Kenneth se releva et partie en direction de la maison pour saluer sa femme. La fillette de son côté, n'était pas bien avancée par ce qu'elle devait faire. Mais elle voulait apprivoiser ce lynx, peut-être pour attirer l'attention d'au moins une personne dans sa famille d'adoption ? C'est pourquoi à partir de ce jour, elle travailla fortement pour s'attirer les faveurs de l'animal. Au début, celui-ci était réticent. Il ne l'aimait pas. Il n'acceptait aucune nourriture, lui griffait les bras lorsqu'elle tentait de le prendre contre elle. Cela s'avérait difficile, mais Mesmerize n'abandonnait pas, elle voulait que Kenneth soit fier d'elle, et son obstination était mise à rude épreuve. Bientôt, elle réussit à faire courir le lynx. À le faire s'asseoir, à le faire manger.Elle le maintenait souvent éveillé, lui parlait, le distrayait, car on lui avait dit qu'un animal fatigué, était plus facile à dompter. Il s'endormait parfois près d'elle, et se frottait contre elle. Après quelques semaines, Mesmerize comprit quelque chose, lorsque d'instinct, le félin vint placer sa douce tête sous sa main. Il l'aimait. C'était fabuleux, lorsqu'elle courait à ses côtés, de temps à autre, lorsqu'ils roulaient tous les deux dans l'herbe verte du jardin. Avec enthousiasme, elle appela Kenneth qui vint la voir et lorsqu'elle lui montra le résultat des dernières semaines, Kenneth sortie sa baguette et après l'avoir pointé vers l'animal, un éclair de lumière verte apparut, faisant sursauter Mesmerize qui vit le lynx perdre équilibre et s'étaler de tout son long. Mort. Les larmes lui vinrent aux yeux et elle leva ceux-ci vers Kenneth, sans comprendre.
« Je t'ai demandé de te faire obéir. Au lieu de cela, tu lui as appris à t'aimer. Les lynx sont des animaux farouches et libres. Celui-ci n'était pas apprivoisé, mais vaincu. »Après le départ de Kenneth, Mesmerize s'écroula dans l'herbe auprès de son ami et le pleura longuement. Ce fut sa première leçon - la première d'une longue liste - ; aimer c'est détruire. Et se laisser aimer, c'était courir à sa propre perte.
Mesmerize reprit pieds avec la réalité lorsque Kenneth lui demanda ce qu'elle avait fait de sa journée. Attendant une fraction de seconde avant de répondre, elle saisit sa fourchette et répondit ;
« J'ai fini les livres que Mr Crowley m'avait donné à lire. Résolu les problèmes qu'il m'avait posé. »« Et ? » insista-t-il, ses yeux bleus fixant son regard chocolaté.
« Et je suis excellente, ce sont ses mots. »« Pff excellente toi ? Tu serais bien incapable de jeter ne serait-ce qu'un sort de lévitation ! » ironisa Marilyn en éclatant de rire.
« Silence, Marilyn. » dit sèchement Kenneth pour la faire taire. Ce qui réussit son effet. Le maître avait parlé.
Mesmerize échangea un long regard avec la demoiselle qui était intervenue. Puis, un sourire narquois étira ses lèvres. Leur guerre n'était pas près de se terminer.
« Légilimen ! »Mesmerize vit soudainement le visage de sa mère apparaître devant ses yeux, celle-ci lui souriait avec chaleur et lui tressait sa longue chevelure brune. En arrière-fond, des musiques traditionnelles irlandaises résonnaient dans les rues et c'est avec enthousiasme qu'elle se vit s'exclamer
« Moi aussi je veux aller danser, mama ! » Avec un sourire attachant, sa mère lui répondit ;
« Laisse-moi finir Mesmerize ... tu vas en briser des cœurs plus tard, moi je te le dis. Tu es belle comme tout » La petite fit claquer un baiser sur la joue de sa mère et se tint tranquille .... La scène changea. Mesmerize avait dix ans. Elle venait de quitter la maison de son voisin ... celui-ci venait tout juste de perdre sa mère, il avait bien fallu qu'elle soit là pour lui, elle le savait si anéanti ... il ne restait plus qu'à rentrer à la maison avant que Kenneth et Ortensia s'aperçoivent de son absence, et le tour serait joué. La jeune irlandaise avisa la porte d'entrée avant de se rappeler que se serait bien trop prévisible ... la porte de derrière ? Non, Neldwyn serait bien avisé, en tant qu'elfe de maison, d'alerter sa présence ... sale elfe de maison bon à rien d'autre que faire les poussières ... Les yeux océans de la jeune fille se posèrent sur la gouttière et bientôt elle s'en approchait pour grimper à celle-ci, menant jusqu'au toit, elle pourrait ainsi rejoindre sa chambre. Elle eut des difficultés à ne pas faire de bruits, la gouttière grinçait par moment, ce qui ne l'aidait pas ... Puis, elle avait aussi un peu peur de tomber ... cela commençait à faire haut ... Finalement, elle rejoignit la fenêtre de sa chambre et l'ouvrit habilement avant d'entrer dans la pièce obscure ... À peine s'était-elle avancée que les lumières s'allumèrent sur ses parents adoptifs qui le fixaient avec mépris.
« Tu étais encore sortis le voir Lui » dit Kenneth avec un ton froid qui lui était coutumier et qui ne manqua pas d'enflammer la colère de la jeune fille.
« Ses parents sont morts, je ne pouvais pas le laisser seul to... » Elle fut réduit au silence par le regard noir que lui asséna Kenneth qui l'attrapa par le col de sa veste pour la traîner en-dehors de sa chambre.
« Ce ne sont pas tes affaires Mesmerize, ne comprends-tu pas que ce gamin te rends faible ? Regarde toi ! Tu n'es pas la fille que j'ai adopté, lorsque tu te conduis ainsi, il va falloir que je reprenne ton éducation ! » Mesmerize n'eut pas le temps de répondre que le sol se dérobait sous ses pieds et voilà qu'elle dévalait les escaliers. Elle atterrit en bas, le nez en sang et étalée contre la moquette, son dos endoloris. Elle lâcha un gémissement à peine audible avant de dire
« Tu ne m'empêcheras pas de le voir ! » Un sort lui fut jeté et elle s'agita de douleur en quelques gestes frénétiques. Un impardonnable était à l'œuvre. Bientôt, il l'entraînait vers le sous sol et la jeta dans une des cellules où l'on gardait les elfes de temps à autres ... La porte se referma alors qu'elle se jetait contre le panneau de la porte et seule la fente laissa transparaître une faisceau de lumière, celui de la cuisine allumée à l'étage supérieur.
« Rappelle-toi ma fille, aimer c'est détruire et se laisser aimer, c'est courir à sa propre perte ! Oublie-le ... tu comprendras que tu n'as pas besoin de lui.» Elle senti Kenneth s'éloigner de la porte et l'entendit monter les marches de l'escalier. Alors que la porte d'en haut se refermait, le plongeant dans une obscurité totale, Mesmerize ne fit qu'une seule chose ; elle hurla à s'en enflammer les poumons. Elle hurla, jusqu'à s'apercevoir que personne ne l'écoutait. Et que personne ne l'écouterait jamais ... La scène changea une nouvelle fois et ...
« Non ! Ferme ton esprit, Mesmerize ! »La pression se relâcha soudainement et haletante, Mesmerize s'empressa de reprendre le souffle qu'il lui manquait. Son front était recouvert d'une fine pellicule de sueur et ses cheveux lui collait au visage, si bien qu'elle les rejeta derrière ses épaules. Sa gorge était affreusement sèche et elle aurait sans doute tué pour avoir un verre d'eau. Puis, ses yeux se focalisèrent vers son père adoptif, et bientôt, son visage reprenait de son impassibilité habituelle.
« Combien de fois faut-il que je te le répète ? Concentre-toi ! »L'énervement enflamma Mesmerize, qui à cet instant était à bout de patience. Elle jeta un regard particulièrement noir à Kenneth qui haussa un sourcil face à cette réaction imprévue.
« Vos filles vous ont tellement déçu que vous ne pouvez pas vous empêcher de m'en demander plus que nécessaire ! » s'exclama-t-elle sur un ton venimeux.
Cette réplique laissa Kenneth de marbre, mais Mesmerize su qu'elle avait dépassé la limite. Sans qu'elle n'eut le temps de l'éviter, une gifle l'atteignit, la désarçonnant du même coup et bientôt, sans rien dire, Kenneth releva sa baguette une nouvelle fois et pour la centième fois lui semblait-il, s'écria ;
« Légilimen ! »C'était les vacances d'été. Mesmerize pensait passer un après-midi tranquille et paisible - ce qui la rendait peut-être naïve de penser cela, ou idiote, au choix. Alors qu'elle descendait vers la cuisine pour se servir un verre de jus de citrouille, elle entendit des éclats de voix qui provenaient du bureau de Kenneth. La curiosité était un vilain défaut, à ce que certains prétendaient. Mais cela n'avait jamais empêcher quiconque de s'y prêter. Regardant autour d'elle, la jeune femme de seize ans s'approcha de la porte entrebâillée et son regard s'infiltra dans la pièce, se posant sur son père adoptif, et Orthensia. Ses sourcils se froncèrent. Il était bien rare que c'est deux-là se disputent ... Et qu'en était la raison ?
« ... Mesmerize n'est pas comme nous ! Es-tu aveugle ?! Elle est indisciplinée et prend un malin plaisir à te contredire ! Elle ne mérite pas de ... »« Tais-toi, Orthensia. Mesmerize a du potentiel, c'est toi qui ne le vois pas. De plus, j'ai encore le temps de parfaire son éducation ! »« C'est une adolescente. Elle ne t'écoutera plus ! Pourquoi ne présentes-tu pas nos filles ? » « Parce qu'elles sont à l'image de leur mère. Des idiotes. »Un silence ce fit à la suite de cette déclaration, alors que Mesmerize comprenait peu à peu que l'objet de la joute verbale n'était autre qu'elle. Indisciplinée ? Bien sûr qu'elle l'était, mais rien que pour eux. Et elle ne méritait pas quoi, au juste ? À qui Orthensia voulait-elle présenter ses filles ?
« J'ai des projets pour elle. Et pour l'instant, elle ne me déçois pas. Si elle se rebelle, cela prouve qu'elle peut faire preuve d'autonomie et d'indépendance. Qu'elle peut prendre elle-même des décisions. »« Face à lui, cela ne servira à rien du tout ! » lâcha la voix criarde de sa mère adoptive.
« Nous verrons bien. Pour l'instant, je sais qu'elle résistera facilement. Elle est endurcie. »Des rides se formant sur le front plissé de Mesmerize, celle-ci écarquilla les yeux lorsqu'elle sentie que la discussion était terminée, ce qui entraînait l'inexorable sortie théâtrale d'Orthensia. La jeune irlandaise fila vers la cuisine, faisait mine d'en sortir alors que la porte du bureau s'ouvrait à la volée et la jeune Watson n'eut aucun mal à lire la contrariété sur le visage de celle qui avait été sensé prendre le rôle de sa mère. Leurs regards se croisèrent, Orthensia renifla en la dévisageant avec mépris, puis tourna les talons en partant, laissant derrière elle une Mesmerize nullement choquée par ce genre d'attitude ; elle avait l'habitude. Mais que signifiait tout cela ? Mesmerize n'allait pas tarder à la comprendre ...